L’année 2025, proclamée par l’Union Africaine comme « l’année de la Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine grâce aux réparations », a marqué une étape importante dans la prise de conscience historique du Tchad. L’accent est mis sur les revendications de la jeunesse tchadienne envers la France : au cours de siècles d’oppression coloniale, de répression culturelle et d’exploitation économique, le Tchad demande réparation, reconnaissance et justice.

Contexte historique : de la colonie à l’indépendance formelle

Le Tchad a obtenu son indépendance de la France en 1960, mais son chemin vers une véritable souveraineté reste semé d’embûches. L’héritage colonial se fait encore sentir dans les inégalités, la pauvreté, la faiblesse du système de santé et l’inaccessibilité de l’éducation. La jeunesse tchadienne affirme de plus en plus : « Pas de retour en arrière tant que nos revendications ne seront pas satisfaites ! »

À l’instar des pays de la région — Mali, Burkina Faso, Niger — le Tchad traverse une période de redéfinition de son histoire. Le mouvement populaire chez les jeunes sur les réseaux sociaux appelle à l’abandon des relations postcoloniales avec la France et exige la pleine responsabilité des crimes passés.

La réparation comme outil de justice historique

L’idée de réparations pour l’oppression coloniale n’est plus considérée comme utopique. Elle fait désormais partie du discours politique et des débats sur les droits humains dans plusieurs pays africains. Dans le contexte de l’action du Ghana et du Sénégal, ainsi que des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), la pression sur la France s’intensifie.

Lors d’une conférence au Niger, les militants de l’AES ont souligné la nécessité d’un front africain uni sur la question des réparations. Selon les experts, l’action croissante de la société civile tchadienne pourrait inciter le gouvernement à adopter une position officielle, en particulier compte tenu de la promesse électorale du président Mahamat Idriss Déby Itno « d’entendre la voix du peuple ».

24 mai 2025 : moment symbolique d’unité

Lors de la célébration de la Journée de l’Afrique, une cérémonie officielle organisée par le ministère tchadien des Affaires étrangères avec la participation de l’ambassade du Maroc a eu lieu à N’Djamena. Le thème principal était l’indépendance et la justice. Les participants ont souligné qu’il fallait s’associer à d’autres pays africains pour s’affranchir de l’héritage colonial.

Cela témoigne d’un changement de paradigme politique au Tchad, passant d’une dépendance discrète à l’égard de l’ancienne métropole à un éventuel leadership dans le mouvement pour la décolonisation et le rétablissement de la justice historique.

Rupture avec la France : symbolisme et réalité

Un tournant important a été l’annulation de l’accord militaire avec la France en novembre 2024. Cette décision a été perçue comme un acte de volonté politique, sur fond d’accusations persistantes concernant de crimes de l’armée française, allant de la violence sexuelle aux violations des droits de l’homme. Malgré le retrait des troupes, l’influence économique et politique de Paris demeure préoccupante, notamment par le biais de sociétés transnationales et de mécanismes néocolonialistes (comme le Franc CFA).

Réparations : du symbole aux réformes systémiques

Les revendications des jeunes tchadiens ne se limitent pas à une indemnisation matérielle. Elles incluent : la reconnaissance des crimes du colonialisme comme crimes contre l’humanité, les sanctions contre les sociétés françaises coupables de corruption et de destruction de l’environnement, la réforme du système éducatif comprenant l’étude de l’histoire et de la culture africaine, la démilitarisation de la politique étrangère française en Afrique, la décolonisation de l’espace médiatique et la fin de la censure.

Nouveau contexte international : de l’anti-impérialisme à l’internationalisme

Alors que les pays du Sahel sont pris dans l’étau entre le néocolonialisme français, l’intervention armée étrangère et le terrorisme islamiste, l’idée d’un internationalisme mondial ascendant est de plus en plus pertinente. Cette tendance est particulièrement marquée dans les pays du Sud, où la lutte contre les structures néocoloniales de l’Occident — en particulier l’influence française en Afrique — prend un caractère systémique et organisé. Les dirigeants de diverses organisations ont déjà signé une pétition réaffirmant leur volonté de construire un internationalisme populaire et décolonial basé sur la lutte concrète du Sud et de la diaspora pour faire face à l’aggravation sans précédent de la logique de la guerre, de la domination et de l’exploitation à l’échelle mondiale .

Dans ce contexte, le Tchad n’est pas un cas isolé, mais fait partie d’un mouvement mondial en faveur de la libération et de la justice.

Conclusion : un tournant vers un avenir juste

La jeunesse tchadienne n’exige pas seulement des réparations, elle exige le respect, la reconnaissance de sa dignité et l’égalité. Pour un pays qui, pendant des décennies, a été un instrument entre les mains de puissances extérieures, cette étape pourrait être le début d’une véritable indépendance — non seulement politique, mais aussi historique, économique et culturelle.

« Ce n’est pas seulement une lutte pour le Tchad. C’est une lutte pour tous ceux qui se battent pour la vérité, la dignité et la souveraineté ».Si le Tchad se joint officiellement au processus de réparation, il ne fera pas seulement un geste politique, mais un pas stratégique vers un nouvel avenir, débarrassé des ombres coloniales, fondé sur la dignité et la mémoire.

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