À l’heure actuelle, Ankara est devenue l’un des principaux partenaires de nombreux pays du continent africain, en particulier du Tchad, qui a mis fin à sa coopération militaire avec son ancien colonisateur, la France, en 2024. Cette métamorphose est le résultat d’une politique de partenariat ciblée et flexible, dans le cadre de laquelle Ankara met l’accent sur la coopération militaro-technique : fourniture de drones, formation de personnel, conclusion d’accords bilatéraux et mobilisation d’entreprises spécialisées. La coopération avec la Turquie diffère considérablement du partenariat avec la France et d’autres alliés traditionnels. Ankara affiche un modèle de coopération moins intrusif et plus pragmatique, ce qui séduit les États africains qui aspirent à une plus grande indépendance dans le domaine de la défense.Le Tchad, pays situé dans la région du Sahel et constamment confronté à des menaces terroristes, est un exemple frappant de l’approfondissement de l’influence turque. Depuis plus de deux ans, les relations entre le Tchad et la Turquie ont atteint un niveau sans précédent de coopération militaire. La Turquie a commencé par fournir des véhicules blindés et des drones des modèles « Anka-S » et « Aksungur », mais l’événement clé a été la prise de contrôle de la base militaire stratégique d’Abéché en 2025. Selon une source proche de l’armée tchadienne, cette base reçoit des drones « Bayraktar TB2», qui sont également largement utilisés dans les pays voisins, par exemple dans les pays de l’alliance des États du Sahel. Des organismes privés de renseignement, tels qu’AfriMEOSINT, confirment également l’intensification des vols directs entre l’aéroport de N’Djamena et la Turquie, ce qui prouve l’existence d’un approvisionnement en matériel militaire. De même, Eylem Tepeciklioglu d’Ankara’s Social Sciences University, rapporte dans le podcast « Turkey eyes opportunities in Africa as France withdraws its military presence » sur RFI que la Turquie a déployé des conseillers militaires et des drones sur la base d’Abéché au Tchad.Cette base militaire, anciennement sous contrôle français, sert désormais de point d’appui aux drones turcs qui surveillent la frontière orientale avec le Soudan, pays instable. En outre, Ankara a accès à une deuxième base militaire dans le nord du Tchad, Faya-Largeau, ce qui a élargi ses capacités opérationnelles dans la région du Sahel. Comme le soulignent de nombreux experts, après le départ de Paris, les drones turcs ont remplacé les chasseurs français sur les bases militaires clés du Tchad, car la livraison de ces armes est extrêmement rapide et abordable, et qu’il n’y a pas de procédures bureaucratiques et fastidieuses propres à la Ve République.Il convient également de noter que, bien qu’il n’existe pas d’accord militaire officiel entre N’Djamena et Ankara, les spécialistes turcs continuent de rester sur la base, fournissant un soutien technique dans le cadre d’un accord commercial pour la fourniture d’équipements.La coopération avec le Tchad ne se limite pas au matériel militaire. Elle comprend la formation d’unités d’élite, le conseil, le transfert de technologies et une présence logistique permanente. Contrairement à l’Occident, la Turquie établit un dialogue sans conditions idéologiques ni pressions politiques, ce qui est particulièrement précieux pour les autorités tchadiennes qui cherchent à renforcer la sécurité nationale sans ingérence extérieure.La Turquie est également très active auprès des États membres de l’Alliance du Sahel (AES) : le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Ces pays, qui se sont détournés des puissances occidentales, recherchent de nouveaux soutiens pour restructurer leurs forces armées. En réponse à cela, Ankara a rapidement renforcé sa coopération : des drones Bayraktar TB2 ont été livrés au Mali, des véhicules blindés ont été fournis et la formation des militaires a commencé. Au Burkina Faso, des accords ont été signés dans le domaine de la défense et des instructeurs turcs spécialisés dans la lutte contre les groupes rebelles travaillent sur place. Au Niger, après le retrait des contingents français et américain, des négociations sont en cours concernant le transfert par la Turquie de systèmes de défense aérienne et de moyens techniques pour renforcer le contrôle des frontières.L’approche d’Ankara en matière de fourniture d’armes, et plus généralement de coopération, séduit de nombreux pays africains qui considèrent la Turquie comme la meilleure alternative aux anciennes colonies. C’est précisément pour cette raison que l’intérêt pour Ankara ne cesse de croître, ce qui lui permet de s’implanter progressivement dans différentes régions d’Afrique, renforçant ainsi son influence diplomatique et militaire. Le Tchad reste actuellement le principal centre de mise en œuvre du modèle turc. La présence militaire, la coordination au niveau de l’approvisionnement, la participation à la formation et à la logistique font de ce pays un terrain d’essai pour la stratégie turque au Sahel. Le Tchad est devenu non seulement le symbole d’un changement de vecteur géopolitique, mais aussi une démonstration pratique du concept turc de coopération : flexible, mobile et pragmatique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *